Jahiliya fantastique

Jahiliya fantastique




La Mecque païenne est un roman de fantasy historique qui revisite la jahiliya, milieu natif de l’Islam et dernier bastion du paganisme sémitique, pour la réécrire avec des nuances plus ou moins fortes de merveilleux et de magie. L’univers de ce texte est peuplé de créatures fantastiques ou monstrueuses (êtres difformes, bêtes terrifiantes, djinns, etc.) Le récit oscille entre deux mondes, un monde primaire qui est celui des humains et un monde secondaire, le monde satanique, avec ses êtres et bêtes merveilleuses, ses démons et ses djinns. 



 Pour les Maures du Sahara, dont je suis, la Jahiliya est un archétype qu’il est nécessaire de se réapproprier. Nous sommes prisonniers de l’idée de Jahiliya, tant elle est profondément ancrée dans notre conscience historique, malgré le fait que l’Islam considère cette période comme «un chaos dégoûtant qui à peine mérite d’être connu». On sait bien que le concept de Jahilya a été, dès son invention, fortement coloré axiologiquement, puisqu’il s’agissait d’opposer l’obscurité païenne, époque d’ignorance et de ténèbres, à la lumière apportée par la Révélation, de donner une existence et un nom à l’époque dont l’Islam s’est extirpé pour ouvrir une période autrement prestigieuse.


La Jahiliya désigne donc l’époque antéislamique, période caractérisée par la présence en Arabie d’un panthéon d’idoles. C’est un monde à caractère "médiéval", avec ses armes blanches, ses cavaliers, son économie rurale, son univers tribal et son imaginaire merveilleux ; un monde où on s’orientait selon la position des constellations et où la médecine (magie mise à part) consistait souvent en une connaissance empirique des plantes médicinales. 


À l’époque de la Jahiliya, magie et divination étaient inséparables et les devins exerçaient une grande influence sur la société. La divination avait un caractère démoniaque ; les devins étaient des magiciens qui mettaient les esprits humains en relation avec les esprits purs, à savoir les djinns et les démons. 


Cette époque fut aussi une «mer de poésie» peuplée de démons et de sorcières. Dans la Jahiliya, être poète c’était pactiser avec le Diable. À cette époque, les Arabes étaient convaincus que les poètes étaient habités par des démons leur inspirant leur poésie et leur éloquence : chaque poète avait son démon attitré qui composait sa poésie.


Roman satanique, fantasy saharienne, La Mecque païenne inaugure une écriture "Jahiliya fantastique." C’est le premier volet d’une paire texte arabe et française. À la lecture des deux versions, on se demande dans quelle langue première elles ont été écrites, et on ne sait plus quelle version considérer comme le volet central de la paire.


 Jusqu'à aujourd’hui, j’ai produit tous mes livres dans les deux langues, écrivant à chaque fois la version française et l’éditant en premier lieu, sauf pour La Mecque païenne dont le manuscrit "original" français, écrit en 2003, n’a été publié qu’en 2016, alors que sa version arabe a été publiée en 2005.



L’écriture de ce roman a été pour moi une véritable machine à voyager dans le temps. Pour établir le cadre du récit, la toile de fond sur laquelle viendront s’inscrire les actions des personnages, je me suis livré à une importante recherche pour restituer l'ambiance du pèlerinage à La Mecque au début du VIIe siècle, peu avant la Hijra du Prophète vers Médine, en 622. C’est tout l’imaginaire de cette époque, avec les valeurs qu’on lui prête, ses connaissances, ses croyances, ses mythes, ses héros, que le roman réinvestit. 


Les obstacles devant le développement de la SF en Mauritanie sont les mêmes qu’ailleurs en Afrique : censure, analphabétisme, absence d’une culture de masse, absence de publications bon marché et à gros tirage à cause du manque d’industrialisation de la presse, problèmes du secteur de l’édition et absence de publications spécialisées, ce qui rend très difficile pour les jeunes auteurs mauritaniens de trouver des débouchés pour leurs nouvelles.  Or, on le sait, les revues européennes ne sont pas enclines à publier de la science-fiction africaine. Avec le résultat que la plupart des nouvelles de SF africaine ne sont pas publiées. Or, si les jeunes écrivains ne peuvent apprendre leur métier en pratiquant le récit bref, comment espérer qu'il s'en trouvera pour écrire un roman de qualité quand on sait l'investissement énorme que demande la rédaction d'un roman ? Et même si l’écrivain africain arrive à réaliser cette prouesse, il ne sera pas publié à cause du manque d’éditeurs spécialisés sur le continent ; et les éditeurs européens ne peuvent pas se permettre de jouer leur réputation sur des auteurs encore au stade de l'apprentissage.