Contes merveilleux

Contes merveilleux

 

 

1. L’homme qui ne donne sa fille qu’à un cavalier émérite[1]

 

On raconte qu’un roi avait une fille. Il décida de ne la donner en mariage qu’à un homme très fort. À chaque fois que quelqu’un demandait sa main, il la refusait. Un jour, un jeune homme qui était parti cueillir des jujubes trouva un homme mort ; à côté de lui se trouvait un très beau cheval qu’il avait attaché à sa jambe juste avant de mourir. Le jeune homme s’empara du cheval et s’en alla, tout content de sa bonne fortune. Il galopa longtemps puis finit par descendre chez l’homme qui avait juré de ne donner sa fille qu’à un cavalier qui en vaudrait mille. Le jeune homme prétendit qu’il surpassait mille cavaliers. Le roi, qui avait vu la très belle monture de l’étranger, lui donna sa fille après l’avoir refusée à son propre neveu. Il précisa à son nouveau gendre :

-Je ne te demande pas d’argent. Je veux seulement que tu participes à mes côtés aux batailles.

Un jour, le roi chargea sa fille de demander à son mari de se préparer pour aller avec lui en razzia. Le jeune homme fut fort irrité et déclara à sa femme : -Je suis loin d’être un cavalier. En fait, j’ai découvert l e cadavre d’un cavalier et à côté de lui ce beau cheval ; je l’ai pris et vous ai rejoints.

Sa femme lui enjoignit : -Reste ici ! Je vais partir à ta place. Elle endossa les vêtements de son mari, attacha ses cheveux, partit avec les combattants et sa bravoure surpassa ce jour-là celle de son père et de son oncle. Le cheval qu’elle montait était parfaitement dressé, à telle enseigne qu’elle allait et venait avec aisance sur le champ de bataille. Son oncle, qui l’avait aperçue, fit exprès de la blesser pour s’assurer de l’identité du cavalier. À la fin de la bataille, la fille du roi précéda les troupes et remit à son mari ses vêtements. Elle lui fit une blessure pareille à celle que lui avait faite son oncle. Les gens firent donc honneur à la bravoure du jeune homme.

L’année suivante, les gens s’apprêtèrent à partir encore une fois en guerre. Le mari fut donc contraint d’en faire de même. Il se plaignit beaucoup, pleura et protesta mais sa femme lui mit de force l’épée dans la main et attacha ses pieds à la selle du cheval. Lorsque les troupes atteignirent le champ de bataille, le cheval s’élança comme à son habitude. Son cavalier se mit alors à crier et dès que les ennemis l’aperçurent, ils prirent la fuite car ils se rappelaient parfaitement ce qu’il leur avait infligé l’année précédente. Tandis que la bataille battait son plein, le cheval allait et venait. Le peureux criait de plus belle et agitait sa main, cueillant sur son passage beaucoup de têtes. Les ennemis furent ainsi sévèrement battus. Au retour de l’armée, le roi lui céda sa place. Son épouse se dit : -Si je n’avais pas agi de la sorte, mon époux et mon père auraient été tous les deux déshonorés. 

 

2. Il lui apprit à voler mais il le surpassa[2]

 

Il était une fois un homme qui se vantait d’être un voleur inégalable. Lorsqu’il vieillit, il se rendit compte qu’il n’avait qu’un seul fils qui était encore tout petit. Ne connaissant aucun autre métier, il décida donc de lui apprendre à voler avant de mourir.

Le roi de leur ville avait des magasins en dehors de la ville. Dieu voulut que le père dit à son fils : -Nous allons partir voler. 

Le fils s’enquit : -Père, où allons-nous opérer ? 

-Nous allons nous diriger vers les magasins du roi.

Les magasins en question étaient contrôlés chaque vendredi pour savoir s’il y manquait quelque chose. Le père proposa à son fils de lui montrer l’emplacement de ces magasins qui n’étaient accessibles que par un escalier donnant sur un corridor. Mais le fils lui dit : -Laisse-moi te montrer à quel point je suis habile ! Le père accepta. Le fils pénétra donc d ans l’un des magasins et fut presque enseveli sous les marchandises. Avec l’aide de son père, il emporta ce qu’il put emporter à la maison.

Le vendredi d’après ils refirent la même opération mais le père demanda : -Laisse-moi entrer avant toi, et il entra. Le roi avait entre-temps contrôlé ses magasins et s’était rendu compte qu’un voleur avait trouvé leur chemin et s’était emparé de beaucoup de biens. Il avait donc demandé à son conseiller de trouver un moyen d’arrêter le coupable. Ce dernier lui suggéra de remplir l’entrée donnant sur les magasins de goudron car le voleur allait sûrement récidiver. Lorsque le père pénétra dans le corridor menant aux magasins, il fut pris jusqu’au cou dans le goudron. Son fils essaya en vain de le tirer de là. Lorsqu’il commença à faire jour, le fils suggéra à son père : -Es-tu d’accord pour que je tranche ta tête, comme cela nous ne serons pas démasqués ? Le père s’exclama : -C’est vraiment une excellente idée, mon fils ! Ce dernier trancha donc la tête de son père et s’éloigna en courant.

Lorsque le roi et son conseiller regagnèrent les magasins, le premier demanda au second : -Qu’est-ce que cela veut dire ? Le sage conseiller répondit : -Le voleur est tombé dans le piège mais son complice lui a coupé la tête de peur qu’on ne le reconnaisse. 

Le roi s’inquiéta :

-Que faire alors ? 

-Utilise le tambour pour rassembler les populations et fais pendre le cadavre. La personne concernée ne tiendra pas le coup, pleurera et s’effondrera.

La population apprit que le roi avait convoqué une assemblée générale. Le tambour battait à tout rompre et le corps fut suspendu à une branche d’arbre. Les gens s’attroupèrent et le fils demanda à sa mère :

 -Es-tu en mesure de te contenir à la vue du cadavre de mon père ? La mère s’empressa de répondre : -J’en serai bien incapable car il m’a toujours entourée d’affection et traitée avec beaucoup d’égards. Le garçon intelligent prit un âne non dressé et fit monter sa mère dessus. Il tint les rênes et maîtrisa tant bien que mal l’animal récalcitrant. Arrivé au beau milieu de la foule, il lâcha la bride de l’animal qui désarçonna sa mère. Celle-ci fit une lourde chute et se mit à pleurer. Les gens s’attroupèrent autour d’elle mais crurent qu’elle pleurait à cause de la chute. La foule se dispersa donc sans que le coupable ne soit démasqué.

Le roi se tourna alors vers son conseiller : -Que faire maintenant que notre stratagème a échoué ? Celui-ci répondit : -Nous allons pendre le cadavre à l’extérieur de la ville. La personne que nous recherchons viendra sûrement le prendre et sera ainsi démasquée.

Le roi ordonna à ses gardes de pendre le cadavre sur les remparts de la ville et de le surveiller. Le fils attendit une grande partie de la nuit puis se couvrit le corps de feuilles d’arbre, d’herbes sèches et de peaux. Il se couvrit également la tête de branches et suspendit à tout cela beaucoup de boîtes vides et de ferraille. Il fixa deux tisons sur sa tête, deux sur ses genoux et en tint deux autres dans les mains. Il fit un pas en se dandinant vers les gardes, tout en faisant un vacarme incroyable. Les gardes prirent peur et crurent que les anges de la mort leur rendaient visite. Ils s’enfuirent alors en criant en direction de la ville. Le jeune homme en profita pour prendre le corps de son père et l’enterrer. 

Le roi s’adressa une nouvelle fois à son conseiller qui lui dit : -Cet homme finira par s’en prendre à ta tête si tu ne le tues pas en premier. Le roi s’inquiéta : -Que me conseilles-tu donc ?

-Rassemble les gens et annonce que quiconque racontera à tes filles une histoire qu’elles n’auront jamais entendue en épousera une.

Le roi avait trois filles qui habitaient chacune un étage. La benjamine était la plus belle et habitait l’étage supérieur.

Les hommes de la ville vinrent raconter chacun leur histoire. Le jeune voleur vint tard dans la nuit et raconta la sienne à la jeune princesse qui lui dit : -Ton histoire est vraiment étrange. C’est toi que je cherchais. Mais, dès qu’elle s’endormit, il se faufila dehors.

Lorsqu’elle se réveilla, elle constata qu’il avait profité de l’obscurité pour s’enfuir. Elle raconta l’histoire à son père qui sut qu’il s’agissait de la personne qu’ils recherchaient. Il fit à nouveau rassembler les hommes pour leur demander de raconter une histoire à sa fille cadette car celui dont l’histoire lui plairait le plus l’épouserait sans faute, promesse solennelle du roi.

Les hommes se succédèrent à l’étage où résidait la jeune princesse et racontèrent chacun une histoire. Le voleur attendit leur départ pour venir raconter la sienne à la jeune fille. Elle coupa à l’improviste quatre mèches de ses cheveux. Mais il lui échappa, prit des ciseaux et coupa les cheveux de tous les hommes de la ville, y compris le roi et ses conseillers.

Le matin de bonne heure le tambour fut battu et les hommes rassemblés pour que le roi puisse identifier le voleur. Mais, à sa grande surprise, il s’aperçut que tous les hommes avaient des mèches coupées.

Pendant ce temps, on constata la disparition de l’autruche du roi, qu’il chérissait beaucoup et qu’il avait parée de bijoux et d’or. Elle passait en général tout au long de l’année parmi les gens et chacun la nourrissait et lui mettait des bijoux. Les gens la recherchèrent partout mais le voleur l’avait égorgée, rempli une jarre de sa graisse et enfoui ses plumes dans l’un des deux puits qu’il avait forés dans sa maison : il avait l’habitude d’enterrer ses victimes dans l’un et de cacher ses butins dans l’autre. Le conseiller suggéra au roi : -Envoie ta fille aînée dans les maisons à la recherche de graisse d’autruche pour des raisons médicales. Celui qui lui en donnera sera le voleur.

La fille du roi visita tous les foyers. Lorsqu’elle parvint à la maison du voleur, elle trouva sa mère toute seule et cette dernière lui souhaita la bienvenue et lui demanda ce qu’elle voulait. La fille du roi expliqua : -Mon père est malade et le médecin lui a conseillé de prendre de la graisse d’autruche. La mère du voleur lui en donna alors une cuillérée. Sur le chemin du retour, la princesse croisa le jeune voleur qui lui demanda :

-Que cherchais-tu chez ma mère ?

-De la graisse d’autruche et elle m’en a donné une cuillerée.

-C’est vraiment très peu. Viens avec moi et je t’en donnerai davantage.

Elle revint avec lui à la maison et il la prit à part, la tua et enterra son cadavre dans le puits après lui avoir coupé la tête.

Le roi constata la disparition de sa fille comme avait auparavant disparu son autruche. Il rechercha encore plus activement le voleur. Son conseiller lui proposa :

-Fais battre le tambour et demande encore une fois aux hommes de venir raconter leurs histoires à ta fille qui mettra cette chaîne au pied de celui qui aura reconnu son forfait. Nous pourrons ainsi l’arrêter. 

Le roi fit rassembler les gens et renouvela son engagement à donner sa fille en mariage à quiconque racontera à celle-ci une histoire insolite. La belle princesse entreprit de recevoir les hommes de la ville. À chaque fois qu’elle entendait une histoire, elle disait : -Celle-ci ne me plaît pas. Le jeune voleur vint en dernier lieu et raconta son histoire. Elle lui suggéra de passer la nuit avec elle. Après un moment, il fit semblant de dormir. La princesse prit la chaîne mais le jeune homme lui avança la jambe de sa sœur autour de laquelle elle la fixa. Lorsqu’elle se fut endormie, le voleur se faufila à l’extérieur du palais. Le lendemain, la princesse se réveilla pour constater à sa grande stupeur qu’elle avait enchaîné sa sœur. Elle fut prise de frayeur et ne sut quoi faire.

Le conseiller dit alors au roi :

 -Il ne te reste plus qu’à conclure un accord avec cet homme en lui donnant ta fille en mariage et en partageant le pouvoir avec lui. C’est le seul moyen de sauver ta vie. 

Le roi fit encore une fois rassembler les gens et annonça sa décision finale de partager le pouvoir avec le voleur. Ce dernier se dévoila à ce moment-là et reconnut les faits après avoir reçu un engagement solennel du roi de ne pas le punir. Ce dernier accepta toutes les conditions du jeune voleur mais lui demanda de lui rendre un service. Le voleur s’enquit : -De quel service s’agit-il ?

Le roi précisa : -J’ai un cousin qui se moque de moi en disant que je suis le jouet d’un voleur. Comme c’est mon ennemi juré, j’aimerais bien que tu me l’amènes mort ou vif.

Le jeune voleur s’exclama aussitôt : -C’est comme si c’était fait ! Donne-moi dix cavaliers bien équipés et envoie avec moi un habile menuisier.

Le roi lui accorda tout ce qu’il voulait. Le voleur s’élança donc en compagnie des cavaliers et du menuisier. Ils continuèrent leur marche jusqu’aux abords de la ville du roi en question et descendirent près d’un grand arbre. Le voleur ordonna alors au menuisier de lui tailler à partir du tronc de l’arbre un cercueil qui s’ouvre et se referme tout seul.

Le voleur porta le cercueil sur sa tête et se dirigea vers le palais du roi. Lorsqu’il y parvint, il dit aux gardes et sentinelles : -Le roi m’a demandé de fabriquer ce cercueil et je voudrais le lui montrer pour qu’il me donne son avis. Les gardes le laissèrent entrer dans les appartements privés du roi. Il le trouva endormi sur son lit, le prit par le col, le secoua et lui dit : -Je suis Azraël, l’ange de la mort, et je suis venu prendre ton âme ! Très effrayé, le roi se rendit sans aucune résistance et le voleur le cacha à l’intérieur du cercueil qu’il referma soigneusement. En sortant, il lança aux gardes : -Le roi veut que j’apporte une légère modification au cercueil. 

Il rejoignit ensuite ses compagnons. Ils enfourchèrent rapidement leurs chevaux et partirent en direction de la ville. Le beau-père fut agréablement surpris lorsque le voleur déposa le cercueil sous ses pieds, l’ouvrit et en fit sortir le cousin-roi parfaitement vivant.

 

3. L’homme qui apprit à voler à son fils[3]

 

On raconte qu’un voleur professionnel avait un fils ; il décida de lui transmettre son métier et il lui dit : -Mon fils, sache que je suis un voleur professionnel et que je peux subtiliser l’œuf de l’autruche pendant qu’elle le couve et l’herbe que rumine la gazelle sans qu’elle ne s’en rende compte.

Le père et le fils sortirent et trouvèrent une autruche ; le père s’en approcha doucement et put prendre ses œufs un à un et les mettre dans la poche de son pantalon. Mais à chaque fois qu’il en mettait un dans la poche de son pantalon, son fils le lui subtilisait furtivement et le mettait dans sa propre poche. Ils se dirigèrent ensuite vers le refuge de la gazelle et le père s’en approcha lentement, puis s’assit près d’elle. La gazelle était en train de ruminer ; à chaque fois qu’elle rejetait une boule d’herbe, l’homme la recueillait de sa bouche sans qu’elle s’en rende compte et la mettait dans la poche de son pantalon. Mais aussitôt, son fils la glissait dans sa propre poche. Une fois leur mission accomplie, ils rentrèrent chez eux.

Sur le chemin du retour, ils rencontrèrent un autre voleur. Le père dit à son fils : -Regarde ! Voilà les œufs de l’autruche et les boules d’herbe ruminées par la gazelle. Le fils lui demanda : Où sont-ils donc ? Le père les chercha en vain et son fils les sortit à ce moment de sa poche. Le père fut très fier de lui et lui déclara : -Mon fils, tu n’as pas besoin d’en apprendre davantage. 

Le troisième voleur les défia : -Moi, je peux vous voler tous les deux. Le père lui répondit : -Essayons donc pour voir.  Puis il prit une chèvre qui avait deux petits et la conduisit vers un bois où il l’attacha à un tronc d’arbre. Il s’avança ensuite vers un jujubier et commença à en cueillir les fruits. Le voleur, qui l’observait pendant ce temps, coupa une branche et la tendit aux deux cabris, puis la tira doucement vers lui. Les deux petits le suivirent et, lorsqu’il se fut éloigné, il les prit et les cacha dans une grotte. Il retourna ensuite vers le premier voleur et le trouva toujours occupé à cueillir des jujubes. Il détacha donc tranquillement la chèvre et la joignit à ses deux petits.

Lorsque le premier voleur finit sa cueillette, il chercha en vain la chèvre et ses petits. Il continua ses recherches jusqu’à faillir mourir de soif. Il finit par trouver un puits, ôta ses habits et y entra pour boire. Le voleur qui lui avait lancé le défi se glissa alors doucement et prit ses habits. Le premier voleur sortit complètement nu du puits et, ne trouvant pas ses vêtements, commença à crier et à se lamenter : -C’est bien moi, Mohamed, qui me suis entêté.

 

4. La guerre [Al Fitna], Jamil et Emir[4]

 

On raconte qu’un roi avait deux neveux dont l’un était nommé Emir [le prince] et l’autre Jamil [le beau]. Emir avait pour habitude d’épouser des vierges et de les garder quarante jours auprès de lui avant de les donner en pâture à des lions féroces pour lesquels il avait aménagé un puits. Le roi avait un faible pour Emir et faisait mine de ne rien remarquer de ses agissements. Mais à chaque fois que sa femme donnait naissance à une fille, il la tuait de peur que la famille ne soit divisée à cause d’une histoire de femmes.

Un jour, devant entreprendre un voyage, il demanda à sa femme si elle était enceinte. Elle répondit par la négative mais il lui enjoignit, au cas où elle le serait et donnerait naissance à une fille, de la tuer, car il ne voulait pas contrarier son neveu s’il venait la demander en mariage.

Le voyage du roi dura longtemps et, lorsque l’accouchement de sa femme approcha, elle loua les services d’une vieille femme et la logea à l’étage supérieur du palais. Elle accoucha par la suite d’une fille qu’elle remit secrètement à la vieille femme. Tard le soir, elle se glissait furtivement à l’étage supérieur et donnait le sein à sa fille. Lorsque celle-ci fut sevrée, la vielle femme entreprit son éducation : elle lui apprit l’alphabet puis quelques sourates du Coran. La petite fille se transforma en une très belle jeune fille qui grandit avant l’heure.

Pendant ce temps, Emir avait épousé toutes les vierges de la ville et les avait jetées aux lions. Comme il n’y avait plus de jeunes filles dans la ville, il s’enferma chez lui et commença à tuer le temps en écoutant son cousin Jamil chanter de sa belle voix. Un jour, pendant que Jamil se promenait aux abords de la ville, il remarqua deux étranges traces de pas dont l’une appartenait à une petite fille. Il décida de les suivre pour en avoir le cœur net tout en se réjouissant : -Quelle joie ! Voilà les traces d’une jeune fille ! En fait, la vielle femme accompagnait chaque jour la jeune fille pour une promenade à l’aube et une autre au coucher du soleil. Elles revenaient ensuite au palais sans que personne ne les remarque.

Jamil épia leurs mouvements. Un jour, il les guetta et les suivit jusqu’à ce qu’elles entrent dans le palais. Il pénétra derrière elles dans leur chambre où il trouva la jeune fille en train de boire du lait et, en même temps, de lire sa tablette et de jouer avec la vieille dame. Dès son entrée, leurs yeux se rencontrèrent et la fille l’interrogea :

-Comment t’appelles-tu ? 

-Ton visage ! 

-C’est-à-dire Jamil [beau] ? 

-Comment t’appelles-tu, lui demanda-t-il à son tour ? 

-Ce qui se passe entre deux armées.

-C’est-à-dire la guerre (Al Fitna) ?

Le jeune homme s’assit à ses côtés et joua avec elle jusqu’à la fin de la journée. Puis il lui dit au revoir et s’en alla. Quelques jours après ils s’étaient habitués l’un à l’autre.

Mais Emir se rendit compte que la voix de son cousin, qui l’enchantait, s’était brusquement tue. Il le chercha donc activement. Pour sa part, Jamil réalisa que son cousin allait bientôt découvrir le secret de leur cousine commune. Il la rejoignit un jour et lui parla en ces termes :

-Lorsque ton père rentrera et que ton cousin Emir saura tout à ton sujet, il lui demandera ta main. Ton père le préfèrera sans aucun doute à tous les prétendants. Pour ta part, ne le refuse pas. Lorsque les femmes te conduiront vers Emir, je t’attendrai à l’endroit où se repose la chamelle blanche. Arrête-toi donc juste à cet endroit-là.

Sur ces entrefaites apparut Emir qui tomba fou amoureux de la jeune fille et sut qu’elle était sa cousine. Il se jura de l’épouser dès le retour de son oncle.

Pour sa part Jamil loua les services de maçons qui lui construisirent sous terre une maison aimantée Il y installa deux lits éloignés et des provisions suffisantes pour une année.

Lorsque le roi revint, Emir l’accueillit en lui disant : -Je demande la main de ta fille. 

Le roi lui répondit : -Je n’ai pas de fille ! Mais Al Fitna sortit à ce moment et étreignit son père qui la serra très fort. Il s’exclama : -Si j’avais su que les filles étaient aussi gentilles, je n’en aurais tué aucune. Puis il refusa de donner Al Fitna à Emir.

Mais la jeune fille réussit à convaincre son père qui la maria à son neveu et organisa une somptueuse cérémonie. Les femmes accompagnèrent la mariée chez son époux mais, lorsqu’elle atteignit l’emplacement de la chamelle blanche, elle se mit en retrait. Jamil la saisit en vitesse et lui ouvrit un corridor qui les mena au palais souterrain. Emir et tous les habitants de la ville cherchèrent la jeune femme mais n’en trouvèrent aucune trace. Emir déclara alors :

-Derrière cet incident, il y a sûrement mon cousin Jamil. Ce dernier a vécu une année entière en compagnie de sa cousine, à manger et à jouer tout en gardant chacun son lit.

Un jour, et une fois l’année écoulée, ils se disputèrent au sujet d’un jeu et la jeune femme cacha le jouet derrière son dos. Le jeune homme prit son doigt et le souleva pour voir le jouet. Al Fitna se mit alors à pleurer en lui reprochant :

-Tu es mon cousin et je vis sous terre en ta compagnie, et pourtant tu ne me respectes pas !

Le jeune homme lui présenta ses excuses et essaya de revenir dans ses grâces mais elle resta fâchée et ne lui parla plus. En désespoir de cause, Jamil se coucha sur son lit et se mit à chanter. 

Le gardien des chameaux d’Emir vint lui dire : -J’ai entendu Jamil chanter.

Emir lui répondit : -Si tu dis vrai, je te donnerai tout ce que tu voudras. 

Le lendemain matin, le gardien de chameaux conduisit Emir à l’endroit où il avait entendu la voix de Jamil. Emir rassembla les gens et leur demanda de creuser à cet endroit. Mais, à chaque fois qu’ils frappaient le sol avec une pioche ou une épée, le métal fondait aussitôt. Bientôt, il ne demeura plus en leur possession qu’une seule épée. Emir appela alors : -Jamil ! Sors de là ! Mais son cousin ne lui répondit pas. Emir réitéra son appel trois fois et Jamil finit par lui répondre : -Je ne sortirai pas avant que tu ne me fasses le serment de me laisser Al Fitna. Emir s’engagea : -Elle est à toi. Mais Jamil ne sortit pas pour autant. Emir l’appela de nouveau mais Jamil lui dit : -Je ne sortirai pas jusqu’à ce que tu t’engages à me transmettre le pouvoir après toi. Emir répondit : -Je t’accorde cela aussi. Puis il s’adressa à son cousin : -Je voudrais que tu me laisses voir ton palais. Jamil répondit : -À condition que tu me permettes d’y retourner quand je voudrai. Emir accepta et pénétra dans le palais. Puis il demanda à son cousin : -Où est votre enfant ? Mais Jamil répondit : -Nous ne sommes pas entrés ici avec de telles intentions.

Emir regarda les lits éloignés et s’assura que chacun d’eux mangeait tout seul. Il sut alors que son cousin disait vrai et maria les deux jeunes gens. Ils lui demandèrent l’autorisation d’entrer de nouveau dans leur palais qu’ils refermèrent sur eux pour une année supplémentaire.

 

5. Les deux frères et la magicienne[5]

 

Mohamed et Sidi Ahmed étaient deux grands chasseurs. Ils nourrissaient leur famille, qui se composait du père, de la mère et de deux sœurs, des produits de leur chasse. Ils n’avaient pour tout bien qu’un âne et deux bons fusils. L’âne servait pour les déplacements de la famille et les fusils d’armes de chasse. Mais il arriva qu’une famine frappe la famille. La campagne devint donc invivable. Les deux frères décidèrent alors d’emmener la famille vivre à proximité d’une ville. Chaque jour, ils partaient en chasse, tuaient beaucoup de gibiers puis vendaient leurs produits au marché de la ville. Ils devinrent des chasseurs de renommée capables de tuer biches, antilopes, daims, cerfs et d’approvisionner la ville entière en produits de la chasse. Ainsi devinrent-ils rapidement très riches. Leur cheptel augmenta et se diversifia.

Une vieille sorcière réunit les habitants de la ville et leur dit :

-N’avez-vous pas vu ces deux messieurs qui se sont installés aux abords de notre ville, il y a peu de temps pauvres, et qui sont devenus, en si peu de temps, très riches ?

-Mais qu’est-ce que ça peut nous faire ?

-S’ils continuent à ce rythme ils deviendront bientôt vos maîtres.

Les habitants décidèrent alors de donner à la sorcière une chaîne et cent entraves qui valent, chacune, une vache laitière de couleur rousse, et de lui demander d’aller se servir de sa magie pour combattre ces messieurs. Elle reçut la chaîne, les entraves puis partit, bien décidée à se débarrasser des deux hommes. Pendant la nuit, elle alla chercher des informations sur les déplacements des deux chasseurs, puis sur leur programme du lendemain. Elle les entendit discuter, elle s’approcha d’eux discrètement. Mohamed disait alors à Sidi Ahmed :

-Demain, j’irai du côté de l’oued où j’ai vu l’autre jour une bande de gazelles. Si je réussis à les rattraper avant l’aube ma chasse sera bonne, surtout que, dans les parages, il y a un baobab dénudé sur lequel je peux me cacher et attendre. Quant à toi tu iras du côté de la forêt où les biches prolifèrent.

La vieille avait tout entendu. Avant l’aube, elle se transforma en chacal, arriva au baobab, avala les entraves, se saisit de la chaîne et attendit. Mohamed arriva au lieu-dit et monta sur le baobab. Il ne s’aperçut pas de la présence de la sorcière. Au lever du soleil, les gazelles affluèrent de toute part. Il visa, le coup partit, une grosse gazelle tomba, probablement le chef de file. Un second coup, puis un troisième puis un quatrième, à chaque fois une gazelle tombait. La femme­chacal tend alors son museau vers l’homme et lui dit :

-Arrête, tu ne vois pas que tu as déjà tué beaucoup de gazelles. Qu’est-ce que tu laisses aux autres chasseurs ?

-Au nom de Dieu le clément le miséricordieux, qu’est-ce que j’entends ? Un chacal qui parle !

-Bien sûr que je parle, et je vais te montrer encore des choses plus bizarres.

-Ne cherche pas à m’intimider, je suis courageux, grand athlète, tireur d’élite, et tu as vu comment je sais viser, ma position inconfortable ne m’a point empêché d’atteindre avec précision mon but et mon fusil est chargé de plomb. La vieille lui montra sa clavicule et lui dit : tire ici. Il tira mais la balle passa sans laisser la moindre égratignure. Il tira un second coup, puis un troisième, puis un quatrième, mais aucune de ses balles ne causa la plus petite blessure à la femme­chacal.

-Est-ce que tu as terminé toutes tes balles, lui demanda­t­elle ?

-Oui, répondit-il. La sorcière saisit alors la chaîne l’enroula autour du cou du chasseur et le pendit aux branches du baobab.

Sidi Ahmed entendit les coups de feu de son frère et se dit :

- Mon frère est un chasseur d’élite, si toutes ces balles ont atteint leur objectif c’est que nous n’aurons plus besoin de viande pendant au moins une semaine et si ce n’est pas le cas c’est que mon frère a de graves problèmes.

Sidi Ahmed s’empressa alors d’aller sur les lieux s’informer des faits. Il se dirigea du côté d’où les coups étaient partis et arriva à proximité. Il vit alors son frère pendu et un chacal qui tirait sur la corde pour le tuer. Sidi Ahmed épaula son fusil et visa. La femme­ chacal se mit alors à ricaner :

-Crois-tu être plus brave que ton frère Et bien avance.

-Elle a raison se dit-il, mon frère est bon tireur et s’il ne l’a pas tuée c’est que le plomb ne traverse pas son corps, essayons donc autre chose. Il déposa son fusil, tira son couteau, empoigna la vieille, la terrassa, déchira ses habits du côté du cœur puis enfonça son couteau. La vieille se mit alors à le supplier :

- Ne me tue pas, et je ferai de vous les hommes les plus riches et les plus respectés de la ville.

Sidi Ahmed rengaina le couteau.

-Parle, lui dit­il, et surtout n’essaie pas de me mentir car je serai impitoyable.

-Prenez cette chaîne, elle renferme une amulette qui vous donnera pouvoir et prestige et ces cent entraves qui valent, chacune, une vache laitière de couleur rousse.

-En es-tu sûr lui demanda­t­il ?

-Oui, je suis sûre, répondit la vieille.

Sidi Ahmed l’égorgea, l’éventra et lui retira la chaîne qu’ils gardèrent jalousement. Ils furent dorénavant en sécurité grâce au pouvoir magique de cette chaîne. Et nos deux chasseurs vécurent désormais en ville, riches et respectés. Seuls, quelques jaloux continuaient encore à leur en vouloir.

 

6. La femme qui ensorcelle son amie (L’enfant et l’ogre)[6]

 

Un roi avait deux enfants, un garçon et une fille, qui devinrent amis de deux autres enfants, un autre garçon et une autre fille. Le père de ces derniers mourut leur laissant toute sa fortune et un testament dans lequel il est dit que son fils ne devra jamais être réprimandé, quelle que soit la faute commise. Les deux enfants vécurent dans la maison paternelle, partageant leurs loisirs avec les enfants du roi. Mais, un jour, le garçon mit le feu à la maison qui brûla ainsi que tout ce qu’elle renfermait. Sa sœur ne le réprimanda pas, elle lui dit simplement : -Je vais demander à mon amie, la fille du roi, de nous accueillir. Celle-ci les reçut gentiment, leur donna une chambre du palais puis veilla à ce que rien ne leur manquât. Ils passèrent toutes les journées à jouer en compagnie du prince et de la princesse.

Un jour, pendant que les deux garçons jouaient, l’enfant creva l’œil du prince. Il s’en alla informer son père. La princesse, en larmes, avertit son amie et son frère et leur demanda de quitter immédiatement la ville. Le roi envoya alors chercher le fautif mais ne le trouva pas. Il envoya à ses trousses toute une armée. Les enfants quittèrent alors la ville, poussés par la peur, sans s’arrêter de jour comme de nuit. De temps en temps, quand il ne pouvait plus marcher, la fille portait son frère sur son dos. Mais la chaleur atteignit son paroxysme obligeant les deux fugitifs à s’arrêter à l’ombre d’un arbre pour se reposer. Soudain, une poussière épaisse remplit l’horizon. La sœur s’exclama :

-Voici les soldats du roi, nous sommes pris, que Dieu nous protège !

Un vautour du haut de l’arbre leur dit : -Je vais vous transporter mais à condition que vous ne touchiez pas à ma queue. Ils acceptèrent, et il les transporta, les sauvant de justesse des soldats du roi. Mais, pendant qu’ils volaient, le garçon fut pris d’un désir subit de toucher la queue de l’aigle. Il dit alors à sa sœur : -Je vais toucher à cette queue. -Non, lui dit-elle implorante, nous risquons de mourir. L’enfant se mit alors à pleurer si bien que sa sœur consentit. Il toucha à la queue du vautour qui les jeta dans le vide.

Ils tombèrent dans une ville à côté d’une famille qui les reçut et qui leur conseilla de ne pas sortir la nuit car un ogre à sept têtes circule tous les soirs dans les rues de la ville et dévore les personnes qui ont l’imprudence de sortir. Le frère, insouciant comme toujours, déclara qu’il allait sortir. Sa sœur se mit à pleurer à chaudes larmes, certaine que son frère serait dévoré par l’ogre. Mais rien ne réussit à le plier. Il emporta quelques morceaux de bois, sept pierres et une tenaille, alluma un feu et y jeta les sept pierres, puis il s’assit et attendit. A minuit, l’ogre entra dans la ville et circula comme d’habitude dans ses rues, certain de ne rencontrer personne. Les gens, de peur, fermaient très tôt portes et fenêtres. Mais grande fut sa surprise lorsqu’ il trouva un petit garçon assis, calmement, tout seul.

-Que fais-tu tout seul ici, ne vois-tu donc pas que tout le monde dort ?

-Je t’attends, et je ne partirai pas d’ici avant que l’un de nous ne tuât l’autre.

-Lequel de nous deux à ton avis : moi, l’ogre aux sept têtes, que tout le monde craint ou bien toi, le petit maigrichon ?

L’ogre ouvrit alors sa bouche toute grande pour happer l’enfant, mais celui-ci lui lança au fond du gosier une pierre brûlante. L’ogre fait surgir une seconde tête puis une troisième, puis une quatrième et ainsi de suite. Mais à chaque fois une pierre brûlante, lancée avec adresse, s’introduit au fond du gosier et l’élimine. Les sept têtes furent donc éliminées l’une après l’autre. À la dernière l’ogre s’écroula mort. L’enfant coupa une tête qu’il emporta dans un sac puis alla dormir.

Le matin, les habitants découvrirent l’ogre mort. Ils en informèrent le roi qui arriva sur les lieux, et envoya chercher celui qui l’avait tué. Tous prétendirent l’avoir tué mais personne n’avait la tête manquante. L’enfant ne se réveilla que lorsque le soleil fut au zénith. Il s’informa, on lui dit que l’ogre avait été trouvé mort. Il mit alors le sac sur son dos et se dirigea vers les habitants encore réunis autour du cadavre de l’ogre mort. Il déposa le sac devant le roi et dit : -C’est moi qui ai tué l’ogre. Tous rirent. Le roi lui demanda la septième tête. La voilà répondit l’enfant et il la fit sortir de son sac. On applaudit vivement le grand petit héros.

Le roi fit venir l’enfant et sa sœur, leur donna d’innombrables richesses puis les fit vivre avec lui, dans son palais en toute sécurité.

 

7. La plaie peut guérir mais jamais l’insulte[7]

 

Un homme fut gravement blessé dans une bataille. Ses compagnons l’abandonnèrent après avoir essayé tous les remèdes. Mais il fut découvert par un lion qui vivait dans les parages. Il l’amena, agonisant, et veilla sur lui. Il lui léchait la plaie pendant le jour et lui apportait de la viande fraîche et de la graisse le soir. Un jour, l’un de ses anciens compagnons le découvrit en bonne santé en compagnie d’un lion. Il s’en étonna :

-Dis-moi, n’es-tu pas l’homme que nous avons laissé pour mort, il y a de ça une année ?

-Oui, c’est moi. Le bon Dieu m’a envoyé un lion qui léchait ma plaie le jour et m’apportait viande et graisse la nuit, seulement, l’odeur nauséabonde de sa gueule me tue.

Le lion avait tout entendu. Il dit alors à l’homme: -Il est vraiment vil que je te tue après tout ce que j’ai fait pour toi, seulement sache qu’une plaie peut guérir mais point l’insulte.

 

8. L’homme, l’âne et le chien[8]

 

Un homme partit en voyage. Il avait un âne et un chien. L’âne transportait les bagages et le chien assurait la protection. Lorsque le soleil fut au zénith, l’homme décida de se reposer. Il choisit un arbre ombragé à l’ombre duquel il prit son repas et il s’endormit. Le chien dit alors à l’âne : -Donne-moi une partie de ce que tu transportes, j’ai faim.

-Je ne peux pas, seul notre maître peut t’en donner. Le chien alla se coucher. Quelques instants plus tard arriva un chacal affamé. Il attaqua l’âne. L’âne se mit alors à appeler au secours, mais le chien ne bougea pas. Il dit tout simplement :

-Que ton maître te sauve s’il peut, quant à moi je refuse car la vengeance n’est point un crime. Il laissa donc l’âne à la merci du chacal qui le dévora.

 

9. Le berger qui devient héros[9]

 

Un homme se maria secrètement à une femme, puis il refusa de reconnaître l’enfant, fruit de cette union, qu’il jura même de tuer. La mère, pour le protéger se déplaçait constamment d’un lieu à l’autre, aux abords des villages sans pouvoir les visiter, dans les campagnes, parfois même dans les enclos parmi les animaux, toujours loin de toute agglomération. Elle vécut ainsi dans une peur constante.

Un jour, pendant que la mère et l’enfant erraient, ils rencontrèrent des caravaniers. L’enfant demanda alors à sa mère l’autorisation de leur demander de l’eau. Ceux-ci leur indiquèrent une source aux eaux claires et limpides mais qu’un chameau féroce gardait. L’enfant alla à la source, prit de l’eau qu’il amena à sa mère, puis il revint s’embusquer au faîte d’un acacia et se mit à guetter le chameau. Celui-ci arriva, passant sous l’arbre ; l’enfant lui sauta dessus, l’abattit d’un coup sec de son poignard et le dépeça. Il découpa sa viande en morceaux qu’il fit sécher et mit dans des sacs. Un jour, il dit à sa mère:

-Mère, voici suffisamment de viande séchée et là-bas la source aux eaux limpides qui ne tarit jamais. Mère, les hommes ne sont pas faits pour rester à la maison. Je dois aller.

Il partit et arriva au terme d’un long voyage dans une famille. Ils l’engagèrent comme berger des veaux.

Un jour, pendant qu’il gardait ses veaux, il vit des jeunes qui lançaient des pierres en direction d’une jeune fille juchée sur un arbre. Il demanda : -De quoi s’agit-il ? On lui dit que le premier dont la pierre aura atteint la fille l’aura pour épouse.

-Est-ce que je peux essayer, demanda-t-il ?

Les jeunes se mirent à rire : -Comment, toi ? Il n’est pas pensable que ce que nous n’avons pas pu faire, nous fils de grandes familles, tu le fasses, toi petit berger de veaux.

-Laissons-le tout de même essayer dit le père de la fille qui était de surcroît le chef de la ville. Le jeune berger prit donc une pierre qu’il lança en direction de la fille qu’il blessa à la joue. Il devint alors son époux. Il passa quelques jours sur place, puis décida de partir. Le roi dota sa fille de grandes richesses. Le jeune homme rejoignit alors sa mère avec de grandes richesses et une belle épouse. Il fit construire une ville dont il devint le maître et où il vécut heureux avec sa mère et son épouse.

Mais ses concurrents malheureux étaient loin d’oublier leur ancienne mésaventure. Ils envoyèrent des femmes magiciennes chez le petit berger. Celles-ci se présentèrent au palais et demandèrent du travail qu’elles obtinrent. Puis elles réussirent par la suite à entraîner l’ancien petit berger loin de la ville et à l’ensorceler ; il devint alors aveugle et impotent. Ses rivaux devinrent, eux, les maîtres de la ville. L’un d’eux épousa sa femme.

Le petit berger resta par la suite très longtemps couché à même la terre. La peau de sa jambe fut grignotée par les termites sans qu’il ait pu faire quoi que ce soit. Un jour, pendant qu’il méditait sur son sort, des passereaux qui gazouillaient sur une branche se dirent :

-Si cet homme mange une feuille de cet arbre, sa cécité et son impotence disparaîtront immédiatement.

Alors le petit berger se mit à tâter avec sa main, découvrit une feuille qu’il mâcha. Son mal disparut comme par enchantement. Il ouvrit les yeux et que vit-il ? Des bergers avec leur troupeau. Il les rejoignit et leur demanda de la crème qu’il appliqua sur sa blessure.

Il passa avec ces bons bergers juste le temps qu’il lui fallut pour guérir, puis il rejoignit sa mère qui lui raconta avec minutie tout ce qui s’était passé pendant son absence. Il attendit alors la nuit pour se faufiler chez ses ennemis et les tuer avec son fusil. Le petit berger emmena sa mère et sa femme vivre dans sa ville. Et tout est bien qui finit bien.

 

10. Lebbeh et ses enfants[10]

 

Lebbeh vivait avec ses trois filles Sannara, Bennara et Oueydatt N’devrelly et son fils unique El Garrad dans une maison très isolée. Chaque matin, elle partait en chasse et revenait le soir avec de la nourriture. Mais avant de partir elle fermait portes et fenêtres et leur disait : -N’ouvrez jamais sauf quand vous m’entendez chanter : Sannara, Bennara, Oueydatt N’devrelly, votre mère est revenue, et ne s’est pas perdue.

Un homme qui passait entendit Lebbeh chanter et alla informer le Sultan. Celui-ci décida d’aller voir. Il se fit accompagner par l’homme et, avant le soir, ils étaient déjà arrivés sur les lieux. Le roi chanta, mais la porte ne s’ouvrit pas. Les filles avaient compris que ce n’était pas la voix de leur mère. Le roi, furieux, accusa l’homme de mensonge. Celui-ci, poussé par la peur, se mit à chanter. - Sannara, Bennara, Oueydatt N’devrelly, Votre mère est revenue, et ne s’est pas perdue. Il imita si bien la voix de la femme que la grande sœur le crut. -Nous avons faim, dit­elle, et puis c’est bien la voix de notre mère, pourquoi donc ne pas ouvrir ? Les filles ouvrirent ; le roi ligota le garçon, le musela avec des épines, puis emmena les trois filles. Il les épousa et les fit vivre chacune dans un palais.

Pendant ce temps, la mère revint à sa maison qu’elle trouva fermée. Elle se mit alors à chanter : Sannara, Bennara, Oueydatt N’devrelly, mais personne ne répondit. Elle entendit alors un bruit à peine audible. lle d’inquiétude, elle frappa de la main la porte qui vola en éclats. Elle libera son fils qui lui raconta tout.

La mère partit alors à la recherche de ses filles. Elle ne laissa nulle place, visita tous les lieux, demanda à toutes les personnes. Mais personne ne les avait vues, personne n’avait entendu parler d’elles. Plusieurs années passèrent ainsi, toujours sans nouvelles de ses filles.

Un jour, elle arriva dans la ville où elles habitaient. Mais elles étaient devenues grandes. Elles étaient devenues les épouses du roi. Quant à elle, elle était vieille et méconnaissable. Elle se présenta chez sa grande fille et demanda à boire. La femme dit alors à sa servante : -Donne à cette mendiante l’eau du lavage du riz et si elle la refuse, envoie sur elle les chiens. La vieille arriva chez la seconde qui dit à sa servante : -Donne à cette mendiante l’eau du réservoir et si elle la refuse envoie sur elle les chiens. La vieille arriva enfin chez Oueydatt N‘devrelly, la plus jeune des trois, elle demanda à boire. Celle­ci la fit asseoir à côté d’elle puis ordonna à sa servante de laver une calebasse, de la remplir de lait et de donner à boire à cette bonne femme. La femme regarda longtemps la fille puis lui dit : -Je suis venue à la recherche de trois filles que j’ai perdues, il y a longtemps. La fille dit alors qu’elle avait été enlevée, elle et ses deux sœurs, à la même époque, par un roi, leur actuel époux ; elle se rappela que sa mère avait une balafre au front. La vieille découvrit son front et, reconnaissant la cicatrice, la fille lui sauta au cou en pleurant. Les deux femmes s’embrassèrent longtemps et pleurèrent longtemps.

Les deux sœurs apprirent la nouvelle et découvrirent que celle qu’elles avaient maltraitée n’était autre que leur mère. Elles se dirent alors que leur sœur les avait ridiculisées et qu’elles devaient se venger d’elles. Un soir, pendant qu’elles jouaient au Krour[11], les sœurs dirent à leur cadette qu’elles l’invitaient demain pour la tresse. Lorsqu’elle arriva, elles lui proposèrent de s’asseoir au milieu, sur une natte qu’elles avaient placée sur un puits. La sœur tomba donc au fond du puits.

Oueydatt N’devrelly était la préférée du roi. Il la fit rechercher partout, mais sans résultat. Le puits dans lequel Oueynatt était tombée et dans lequel elle accoucha d’une fille fut comblé. Mais la fille et sa mère réussirent à survivre tout ce temps grâce à la sève d’un arbre qui poussa sur ce puits.

Le sultan avait un cheval qu’il aimait beaucoup, lequel cheval venait tous les jours près de l’arbre pour brouter de ses branches. Mais à chaque fois qu’il s’en approchait, la fille lui disait : -Oh, Cheval de mon père ne mange pas la nourriture de ma mère ! Et le cheval abandonnait. Un jour, le sultan passa et entendit sous terre un bruit comme un murmure. C’était la petite fille qui parlait au cheval. Il ordonna alors de creuser et l’on découvrit la femme et sa fille saines et sauves. La femme raconta alors au sultan ce que ses sœurs avaient fait. Le sultan ordonna qu’on les décapitât

Ainsi prend fin cette histoire.

 

11. L’homme et le bouc[12]

 

Un homme très gourmand acheta un bouc et voulut l’égorger. Il demanda à sa femme qui était aussi gourmande que lui d’aller chercher le couteau. Elle chercha le couteau mais ne le trouva pas. -Regarde à côté de cette pile de bagages. Elle regarda mais ne le trouva pas. L’homme, en colère, se mit à crier :

-Ce n’est pas possible, tu es aveugle ou quoi ? Regarde bien et fait vite.

-Mais je t’ai dit que je n’ai rien trouvé.

-Ah ! Très bien moi, je vais le chercher et le trouver, tu vas voir. Alors il lâcha le bouc et partit chercher le couteau. Le bouc profita de l’étourderie de l’homme pour se sauver à jamais, laissant les deux époux aux prises.

 

12. Khayri Cewv et sa maison merveilleuse[13]

 

Khayri Cewv avait une maison merveilleuse, d’une grande beauté et qui renfermait d’immenses trésors. Elle s’ouvrait et se fermait grâce à des formules magiques qu’elle seule connaissait. Elle demeurait dans la maison une année entière sans jamais la quitter, puis elle la désertait une année entière, sans y revenir. Chaque fois qu’elle désirait ouvrir la maison elle prononçait Khayri Cewv et la maison s’ouvrait, et, chaque fois qu elle désirait la refermer, elle prononçait Khayri Cewv et la maison se refermait.

Un jour, elle fut suivie à son insu par le chacal qui retint les formules magiques et qui revint à la maison dès qu’elle la quitta. Il y passa une année entière, choisissant parmi les meilleurs repas. Il devint alors très gras. A sa sortie il trouva son amie l’hyène qui s’étonna de le voir aussi replet. -Mais tu es devenu très gros. Qu’est-ce que tu manges et où chasses-tu, lui dit­elle malicieuse ? Le chacal alors répondit : -Quelle drôle de vie ! Celui qui devient gros on l’envie et celui qui devient maigre on le méprise. C’est ainsi que le chacal raconta à l’hyène l’histoire de la maison merveilleuse.

L’hyène alla à la maison et prononça la formule magique. La maison s’ouvrit ; elle y entra et, avec sa gloutonnerie légendaire, se mit à manger de tous les aliments qu’elle trouvait. Mais lorsqu’elle devint grosse et qu’elle voulut sortir elle n’y parvint pas car elle avait oublié la formule qui ouvre la porte. L’hyène resta ainsi coincée, prononçant tout ce qui lui passait par la tête : Khayri Ghatt, Khayri katt, mais, à chaque fois, la porte se refermait davantage. L’hyène se mit alors à insulter le chacal. Quelques instants plus tard, Khayri arriva, elle prononça la formule : Khairi Guewv qui ouvre la porte. L’hyène dit alors, affolée : -Tu l’as trouvée ! Malheureuse. Puis, elle voulut s’enfuir, mais Khayri l’attrapa et la tua.

 

13. L’oiseau et l’enfant[14]

 

Un enfant qui se promenait dans la campagne découvrit un oiseau qu’il amena à la maison. Il le mit sous une calebasse pour le protéger du froid. Pendant la nuit, pendant que tout le monde dormait, l’oiseau se mit à chanter : -J’ai froid, j’ai froid. Moi, le froid peut me tuer. L’enfant dit alors : -Écoute père ! Écoute mère ! Et il plaça l’oiseau sur sa poitrine. Mais l’oiseau continua toujours de chanter: -J’ai froid ! J’ai froid ! Le froid peut me tuer ! L’enfant dit : -Tu as entendu, père ! Tu as entendu, mère ! Et il plaça l’oiseau sous la couverture. L’oiseau, qui était une femelle, pondit avant terme et mourut. L’enfant se culpabilisa profondément. Il alla alors en brousse et se pendit.

 

14. Dey Ani et l’hyène[15]

 

Il était une fois une jeune fille qui s’appelait Dey Ani et qui vivait avec son père et sa mère dans un village. Son plus grand et unique plaisir était d’aller assister aux cérémonies de danse. Ses parents s’opposaient toujours à ce qu’elle y aille mais Dey Ani trouvait toujours le moyen d’y aller sans qu’ils s’en aperçoivent. Une nuit, pendant qu’elle se dirigeait vers un village voisin où une danse était organisée, elle rencontra l’hyène qui partait à la chasse. Celle-ci se mit alors à chanter de joie :

-Nous partons tous les soirs en quête de nourriture et souvent la fatigue nous empêche d’y parvenir mais, quand nous la rencontrons, ne devrions­nous pas nous en réjouir ?

Dey Ani se mit elle aussi à chanter : -Mon père m’avait interdit d’aller aux cérémonies, ma mère me l’avait interdit aussi et maintenant voici Dey Ani qui va assister à sa dernière cérémonie.

L’hyène lui répondit en chantant : -Vas-y, Dey Ani, assister à ta dernière cérémonie.

Dey Ani répliqua toujours en chantant : -Dis-moi à voix basse, dis­moi à haute voix, quel est l’homme qui m’attend pour me donner de la joie ?

L’hyène demanda : -Mais est-ce que tu n’as pas bougé ?

Dey Ani répondit ! -Mais non, tu ne vois pas que mes pieds sont toujours à la même place. Puis elle reprend en chantant : -Mon père m’avait interdit… Et l’hyène de répondre : -Vas-y, Dey Ani… La fille s’approchait ainsi petit à petit de chez elle.

La dernière fois, lorsque l’hyène revint, elle constata que Dey Ani avait regagné la maison de ses parents. Dey Ani jura, depuis ce jour, de ne plus jamais assister aux cérémonies de danse fussent­elles organisées à la porte de la maison.

 

15. Soukho Yacouta[16]

 

Il était une fois une jeune fille qui s’appelait Soukho Yacouta. Elle avait un amant qui s’appelait Wali et qui l’aimait beaucoup. Celui-ci décida de partir en voyage, il demanda alors à Soukho Yacouta de lui donner sa bague en or comme gage d’amour. Elle accepta. Mais, de retour à la maison, sa mère lui demanda : -Où est ta bague ? Et elleui ordonna d’aller la chercher tout de suite. Elle revint alors au fleuve, cherchant son bien-aimé, Wali. Un écho lui répondit que Wali était en face d’elle, un second lui dit que Wali était allé au village voisin, un troisième lui affirma que Wali était dans un autre village. Soukho Yacouta ne fit que suivre l’écho. Enfin, un dernier écho lui dit de demander à la poule à côté ’elle. Ce qu’elle fit en chantant : -Wali, Wali, tu as pris la bague que ma mère réclame. Les poules lui répondirent alors en écho : -Ramasse tout ce que nous rejetons, fait-le sécher puis écrase-le, il deviendra de l’or. Soukho Yacouta obtint ainsi beaucoup d’or qu’elle emporta.  Mais son retour coïncida avec les funérailles de sa mère. Celle­ci était morte pendant l’absence de sa fille. Elle dit alors aux personnes présentes : -Laissez­moi placer cet or sur la tombe de ma mère, elle a souffert sa vie durant pour en avoir.

 

16. Le prix de la patience[17]

 

Sept hommes voyageaient avec sept chameaux, transportant du sel qu’ils désiraient vendre dans de lointaines contrées pour en tirer peut-être de grands bénéfices. En cours de route, pendant qu’ils se reposaient sous un grand arbre, un enfant leur tomba du haut des cimes. Il se mit à pleurer. Le chef de la caravane le prit dans ses bras, le mit sur ses cuisses et le consola, puis il le transporta sur son chameau qui mourut quelque temps après. L’enfant pleura de nouveau. L’homme le consola de nouveau puis le transporta sur un second chameau qui mourut lui aussi quelques instants plus tard. L’enfant continua toujours à pleurer et les chameaux de mourir jusqu’à ce qu’il ne reste à la caravane qu’un seul chameau. L’homme alors, sans se décourager, envoya ses compagnons en ville chercher d’autres chameaux pour reprendre leur voyage interrompu. Il resta pour garder le sel et l’enfant.

Restés seuls, l’enfant dit alors au chef de la caravane de donner un coup à un arbre qu’il lui montra, du côté droit et du côté gauche, puis de revenir ouvrir les sacs de sel. L’homme s’exécuta puis ouvrit les sacs. Sa grande surprise n’eut d’égale que sa joie lorsqu’il découvrit à la place du sel de l’or pur. L’enfant lui dit alors : -Je suis l’envoyé de Dieu qui a décidé de te récompenser pour ta patience. Va en ville chercher d’autres chameaux pour transporter ton or.

 

17. L’orpheline[18]

 

La marâtre faisait travailler durement la fille qui était sa nièce et dont elle avait épousé le père après le décès de sa mère. Souvent elle l’envoyait cueillir des feuilles vertes très loin, sans jamais lui donner de provision. Quand l’orpheline était toute seule, elle se mettait souvent à fredonner :

-Ma mère est morte, et ma marâtre me fait travailler, puis, au moment des repas, elle me demande de laver mes mains avec de l’huile et de laver les mains de ses filles avec de l’eau, car le Chouri ne sera mangé que par celle qui aura les mains sèches.

La marâtre donnait toujours suffisamment à manger à ses filles et ne donnait à l’orpheline que les restes. Celle-ci apporta, un jour dans sa calebasse des fruits d’un arbre sauvage. La marâtre les goûta et les trouva agréables.

-Où les as­tu cueillis ? Dis-moi vite où est cet arbre aux fruits délicieux ?

-C’est dans la brousse, répondit l’orphelin toute tremblante de peur.

-Allons tout de suite les cueillir.

Elles partirent donc toutes les deux et arrivèrent à l’arbre aux fruits délicieux. La marâtre saisit le bâton, le lança mais les fruits ne tombèrent pas, elle recommença mais les fruits ne tombèrent toujours pas. Alors, furieuse, elle cria à la fille. -Dis-moi, misérable comment on fait ? Celle-ci se mit alors à fredonner :

- Ma marâtre me demande de me laver les mains avec de l’huile et de laver les mains de ses filles avec de l’eau car le Chouri ne peut être mangé que par celle qui aura les mains sèches.  Elles mangeaient donc du Chouri et moi je restais.

L’arbre alors s’inclina. La marâtre tendit les mains et attrapa des fruits qu’elle mangea avec avidité. Puis elle grimpa dans l’arbre et continua à manger encore. La fille dit alors à l’arbre : -Redresse­toi. Et l’arbre se redressa. La marâtre, saisie de peur, se mit à crier, à implorer, Mais la fille continua à demander à l’arbre de se redresser, et l’arbre se redressa davantage. La marâtre, au bord de la folie, jura de ne jamais recommencer. Mais l’arbre continuait de se redresser toujours davantage. Alors, prise de panique, elle sauta et mourut.

 

18. Samba et la perdrix[19]

 

Samba était un grand chasseur. Un jour il tua toutes les perdrix dans la brousse, n’en laissant qu’une seule. Celle-ci lui dit alors :

-Samba, s’il te plaît, tue-moi. Samba tua la perdrix.

-Samba, s’il te plaît, égorge-moi. Et Samba l’égorgea.

-Samba s’il te plaît déplume­moi. Et, Samba la dépluma.

-Découpe-moi Samba, s’il te plaît. Samba la découpa.

Samba amena la perdrix ainsi préparée à sa femme. La perdrix dit à l’épouse :

-Nettoie-moi, ton mari a tué toutes les perdrix dans la forêt. Elle la nettoya.

-Fais-moi cuire s’il te plaît. Elle la fit cuire.

-Dépose-moi, et présente­moi à ton mari.

La femme dit qu’elle ne peut pas manger la viande de cette perdrix qui parle. –Donne-la-moi, je vais la manger, dit le mari. Et il la mangea. Le lendemain l’homme sortit du village pour se soulager quand une voix, celle de la perdrix, l’appela. -Me voilà, je suis sortie comme tu vois. -Je te tuerai une autre fois et je te mangerai lui répondit l’homme.

 

19. L’enfant et l’aigle[20]

 

Un jour, un enfant planta une flèche ans le dos d’un aigle. Celui-ci se dit : -Cet enfant est insolent, jamais je n’enlèverai cette flèche, il faut que je ternisse sa réputation. Alors, il s’envola de place en place avec la flèche toujours dans le dos. Les gens, dès qu’ils le voyaient se mettaient à crier : -Voici l’aigle à la flèche ! Voici l’aigle à la flèche ! -Par ces agissements, se dit l’aigle, je ternis plutôt ma réputation. Les gens ne chahutent que moi et ma flèche, pas lui. En désespoir de cause, l’aigle retira la flèche et s’envola.

 

20. Les deux Ahmed[21]

 

Deux Ahmed voyageaient ensemble. Ils avaient pour provision un sac de couscous séché et des arachides. En cours de route, pendant qu’ils se reposaient à l’ombre d’un arbre, l’un d’eux s’assoupit, son compagnon l’assomma, prit tous ses biens et le laissa pour mort, puis il continua son chemin. Ahmed resta toute la journée évanoui, il ne se réveilla que le soir.

Cette nuit, tous les animaux devaient se réunir. Car ils se donnaient rendez-vous tous les sept ans, à la même date et au même lieu, pour échanger des informations et des idées et pour discuter de leur avenir. L’homme venait juste de sortir de son coma quand il entendit un brouhaha Il s’en approcha, et qu’est-ce qu’il vit ? Tous les animaux de la brousse réunis en assemblée. Alors il se cacha de son mieux et attendit. Le président de l’assemblée ordonna à l’éléphant de regarder aux alentours pour s’assurer qu’aucun homme ne les espionnait. Pour le plus grand bonheur d’Ahmed on ne le découvrit pas.

Le président ouvrit la réunion. Il dit :

-cette ville envoie tous les jours chercher de l’eau très loin pendant qu’elle l’a juste à côté d’elle, au nord, à une profondeur de quatre brasses seulement, et en grande quantité, et elle l’a, aussi à l’est, à une profondeur de quatre brasses, et en grande quantité.

Un autre invité informa l’assemblée que l’Emir de la ville a dix filles qui s’étaient toutes mariées, sauf une seule. Cette fille aura dix garçons, tous auront un grand avenir.

Ahmed resta sans bouger pour ne pas éveiller l’attention des animaux. Il attendit que tout le monde se soit dispersé our sortir de sa cachette et se diriger vers la ville. Il informa l’Emir de tout ce qu’il avait entendu. Ses propos se sont tous avérés exacts. Ahmed se maria à la fille de l’Emir et vécut dans cette ville heureux et respecté de tous.

Sept ans plus tard, l’autre Ahmed arriva dans la même ville et trouva son ancien compagnon riche et heureux. Il s’en étonna.

-N’es­tu pas cet Ahmed que j’ai tué et jeté dans la brousse après l’avoir dépouillé de tous ses biens ?

-Oui, c’est bien moi.

-Dis-moi alors comment il se peut que tu sois là.

-Je vais tout te raconter, mais il faut tout d’abord que tu te restaures et que tu te reposes. Et il le reçut très bien et lui raconta toute l’histoire. Puis il ajouta:

 -Tu peux en faire autant, tu as d’ailleurs la chance que l’assemblée des animaux se tient dans sept jours seulement.

Le second Ahmed partit au rendez-vous. Il se cacha sous le même arbre dans l’espoir d’écouter ce qui serait dit. Mais à son grand malheur le flair de l’éléphant ne l’a pas raté. On le découvrit, et il fut alors écrasé sous les pattes des animaux enragés.

 

 

21. L’Emir et le lion[22]

 

Un émir se maria à une jeune femme qu’il aimait beaucoup. Celle-ci fut enceinte de son premier enfant. A la veille de son accouchement, un lion l’enleva et l’emmena dans sa tanière. L’émir découvrit le forfait du lion. Il s’arma de son fusil, sella son cheval et partit à sa poursuite. Il découvrit sa tanière mais constata que le lion n’y était pas arrivé. La nuit couvrit peu à peu la terre, un épais nuage remplit le ciel produisant une obscurité opaque rendant la visibilité nulle. L’émir mit tous ses sens en alerte. Il lui fallait coûte que coûte percevoir tous les bruits autour de lui. Quelques instants plus tard le lion arriva, portant la femme qu’il déposa à l’entrée de son antre. L’homme redoubla de concentration, il devait distinguer la position de la femme par rapport au lion. Au même moment un éclair illumina la scène, l’homme fit feu, le lion tomba mort baignant dans son sang. L’émir amena sa femme dans un lieu sûr. Un bruit de mouton bêlant se fit entendre au loin, accompagné du rugissement d’un lion, probablement celui de la lionne se dit l’émir qui se mit aux aguets. Un éclair jaillit, l’homme vit alors la lionne qui transportait le mouton. Il fit feu, la lionne tomba morte. Ces évènements accélérèrent le travail de la femme. Elle accoucha d’un joli garçon.

L’émir égorgea le mouton, fit cuire sa viande qu’il donna à manger à sa femme, puis brisa la jambe du lion dont il donna la moelle au nouveau-né. Il transporta alors sa femme et son enfant sur son cheval et les amena à la maison comme s’ils avaient pris part à une agréable partie de chasse au cours de laquelle ils avaient eu un bel enfant.

 

22. L’homme qui a perdu son or[23]

 

Un homme en voyage trouva une grande quantité d’or qu’il emporta. Arrivé à l’entrée de la ville, il cacha son or dans une place connue de lui seul en prévision d’une rencontre éventuelle avec des voleurs. -Je vais vendre cet or, se dit­il, et j’achèterai tout ce dont j’aurai besoin. L’homme alla en ville s’informer auprès des orfèvres u prix de l’or, puis il revint pour récupérer son bien. Mais, à sa grande surprise, il ne retrouva pas son emplacement. Il chercha partout, demanda à tout le monde. En ville il cria que toute personne qui aurait trouvé de l’or en telle quantité, dans tel emballage, doit le lui rendre. Mais toujours sans aucune information.

Un homme lui proposa de consulter le cadi. Celui-ci lui dit : -Va à la mosquée, fait tes ablutions et continue de prier jusqu’à ce que je te convoque. L’homme fit exactement ce que le cadi lui demandait de faire. Un jour, pendant qu’il priait, il lui vint subitement à l’esprit l’emplacement de l’or. Il en informa le cadi.

-Tu peux aller récupérer ton or, lui dit celui-ci, je savais que Satan ne te laisserait pas accomplir correctement ta prière.

 

23. Le héros, le lion et la bête[24]

 

Il y avait autrefois une tribu qui possédait des vaches zébrées e grande qualité. Tout le monde les enviait, et tout le monde cherchait à acquérir leurs vaches. Un jeune homme d’une autre tribu réunit autour de lui un groupe de sept jeunes téméraires et ils se lancèrent à la conquête de ces vaches. Ils arrivèrent à proximité du camp de la tribu aux vaches rayées, s’embusquèrent, s’emparèrent des vaches puis rebroussèrent chemin à toute vitesse. Ils chevauchèrent à bride abattue pendant trois jours et trois nuits sans s’arrêter. A la troisième nuit, les hommes étaient si fatigués qu’ils ne pouvaient plus tenir en selle. La faim et la soif avaient le dessus. Ils proposèrent alors à leur chef de s’arrêter pour se reposer un moment. -Nous sommes très loin maintenant, l’ennemi ne peut plus nous rattraper, dirent­ils, pourquoi ne pas dormir un peu. Et ils s’endormirent écrasés par le sommeil. Seul, le chef resta éveillé. Il prit un veau qu’il égorgea, dépeça, et dont il fit cuire la viande, puis il réveilla ses compagnons. Mais, à leur grande surprise, ils découvrirent que l’armée ennemie les encerclait déjà de tout côté

Les jeunes gens furent alors ligotés. Leurs ennemis ont décidé de ne pas les tuer car ils sont musulmans, mais plutôt de les amener à la tanière du lion à la patte blanche. Là, ils furent liés les uns avec les autres à l’aide de chaînes de fer puis placés tout autour du tronc du grand baobab qui servait de tanière au lion. Leur chef fut lié avec son cousin germain. Le chef de la tribu ennemie leur dit alors.

-Vous êtes des braves, vous ne devriez pas avoir peur des lions. Trouvez le moyen de vaincre le lion à la patte blanche.

Puis, ils partirent poussant leurs vaches et laissant les malheureux à leur triste sort.

Le lion arriva quelques instants plus tard, il trouva des hommes liés les uns aux autres. Leur chef leur demanda d’arrêter de respirer le plus longtemps possible. -Faites les morts, leur dit­il, le lion ne mange pas les cadavres. Le lion se mit à rugir, puis s’approcha des hommes, plaça son nez au-dessus du nez du premier et aspira. L’homme, ne pouvant résister, fut avalé. Tous les hommes y passèrent ainsi. Ils furent tous dévorés un à un, sauf leur chef qui parvint à retenir sa respiration très longtemps et à trois reprises consécutives. Le lion le prit pour mort et l’abandonna. L’homme profita alors de l’inattention du lion pour sauter au faîte du baobab, entraînant la jambe de son cousin qui était toujours liée à la sienne. Pendant sa trajectoire un gros bois lui arracha l’œil. L’homme resta longtemps accroupi sur la plus haute branche sans manger ni boire, incapable de bouger car le lion s’était couché au pied de l’arbre et attendait.

Quelques mois plus tard l’armée ennemie passa non loin de la tanière du lion. Leur chef dit alors à ses hommes. -Allons voir ce qu’il est advenu des voleurs de vaches. Leur surprise fut grande lorsqu’ils découvrirent un homme que la faim et la soif avait transformé en squelette, mais qui était encore vivant s’accrochant de son mieux à la plus haute branche avec une jambe d’homme, pendue à lui. Son courage et son endurance ont forcé leur estime à tel point qu’ils décidèrent de le sauver et de l’amener à leur Emir. Ils l’appelèrent de loin :

-Les chevaux passeront à toute vitesse sous l’arbre, mets-toi sur la branche la plus basse puis saute sur le dernier cheval. Nous essayerons d’amener le lion à poursuivre les autres chevaux pour l’éloigner le plus loin possible.

L’homme sauta derrière un cavalier sur la croupe du dernier cheval, lequel était une jument gravide, donc incapable de transporter deux cavaliers à la fois. Sa course fut ralentie. Les autres chevaux s’en éloignèrent. Le lion s’en approcha. L’homme assis en croupe tira l’arme du cavalier, visa le lion et le tua. Les chevaux affluèrent, au bruit de la détonation, de toute part. On découvrit ainsi l’adresse de cet homme courageux et endurant. Il demanda qu’on le soignât et qu’on lui enlevât la jambe de son cousin. Ce que les cavaliers firent de bon cœur. On alluma alors un feu, dans lequel on fit cuire la patte blanche du lion dont on retira une grande quantité de graisse. Quelques hommes saisirent la tête du malade, pendant que d’autres lui retiraient l’écharde dans l’œil, lequel fut rempli avec de la graisse du lion. Puis l’homme fut conduit devant l’émir. Celui-ci le nomma commandant d’une ville. Il resta borgne mais devint l’un des piliers du pouvoir. Il était à la tête de l’armée dans toutes les expéditions.

Quelques années plus tard, il demanda à l’émir la permission d’aller voir sa famille et sa tribu. Pour toute provision il n’emporta qu’un sac de dattes et un baudrier plein de cartouches. Il marchait le jour et passait la nuit sur les cimes des baobabs. Une nuit, pendant qu’il mangeait des dattes et jetait les noyaux, il entendit des pas. Il regarda au-dessous de lui et vit à la lumière d’un éclair une bête dont il ne distingua ni la tête ni les pieds. Il l’ajusta et fit feu. Mais la bête se mit à rire et lui dit. -Moi, les balles ne me tuent pas. Regarde bien, voici ta balle. Et elle la lui montra dans sa main. Il passa la nuit dans l’attente d’un éventuel secours qui ne vint pas. Le jour arrivé, il découvrit que la bête avait disparu. Il reprit donc son voyage mais, à sa grande surprise, la bête réapparut de nouveau à la mi-journée puis disparut, puis réapparut la nuit. -Mais que me veut cette bête, se dit­il ?

Un jour, il attendit que la bête fût éloignée pour reprendre son voyage. -J’en ai marre de ce jeu, se dit­il, je vais descendre et partir, advienne que pourra. Il se mit à courir à toute jambe. Il parcourut ainsi une distance double, puis grimpa sur un baobab géant pour passer la nuit. La bête arriva sur les lieux et ne le trouva pas. Elle se lança à sa poursuite. Pendant ce temps l’émir, qui n’avait toujours pas eu de nouvelles du borgne, envoya une troupe d’hommes à sa recherche. Ils arrivèrent à quelque distance de lui puis campèrent pour passer la nuit. La bête les rencontra et les mangea tous puis revint dans son gîte certaine que l’homme qu’elle pourchassait était parmi ces hommes. L’homme sain et sauf ramassa tous les fusils et reprit son voyage vers les siens.

 

24. Hagh Zein et son cheval Bent Chaaba[25]

 

Un homme qui avait une seule sœur et sept frères était né au même moment qu’un poulain. Il dit alors à sa mère :

­Donne-moi un nom ou je vais me le donner.

­Attends que Dieu t’en donne en, lui répondit-elle.

-Je m’appellerai donc Hagh Zein et mon poulain s’appellera Bent Chaaba.

Plus tard, une autre jument mit bas au sommet d’une montagne. La sœur demanda à ses frères d’aller la chercher. Mais ceux-ci n’y parvinrent pas, le sommet étant très haut et inaccessible. Le petit Hagh Zein décida d’y aller. Il monta sur son poulain, Bent Chaaba, et s’en alla tout seul. Mais son absence prolongée alarma sa sœur. Celle-ci avertit ses frères et partit elle-même. Elle rencontra une caravane à laquelle elle demanda.

­Oh Caravane qui suit la voie de Deb daba ! N’avez­vous pas aperçu un petit enfant qui s’appelle Hagh Zein, seul sur un poulain ?

 ­Nous sommes passés il y a peu de temps de cela non loin d’un enfant sur le sommet d’une montagne et il nous a demandé d’avertir ses parents et tous les gens des Nguermach que son cheval Bent Chaaba allait le manger.

Pendant ce temps, Hagh Zein luttait en effet avec toute la force de la ruse contre son poulain. Celui-ci, s’étant transformé en ogre, demandait à l’enfant de lui donner à manger ou il le mangerait. Hagh Zein donna son couteau, puis sa gaine, puis son boubou, puis sa chemise. Le poulain mangea le tout puis continua de réclamer autre chose. Hagh Zein monta sur le faîte d’un baobab et lui demanda : ­Baobab de mon père et de ma mère, je te demande de monter. Et le faîte du baobab monta très haut dans les airs. Mais le poulain dit au baobab : ­Baobab, affine-toi. Et le baobab s’affina. ­Baobab, épaissit-toi, demanda l’enfant. Et le baobab s’épaissit si bien qu’il devint gros comme un roc. Le poulain se mit à tourner en rond autour du baobab.

Pendant ce temps, la sœur, qui était en train de dresser sa tente, s’entailla le doigt. Elle s’exclama : ­Que Dieu brûle quiconque fera du mal à Hagh Zein. Les caravaniers lui dirent : ­Si tu nous donnes une bague en or nous t’indiquerons exactement où est ton frère. Elle la leur donna : ­Ton frère se trouve actuellement sur le sommet de telle montagne. La sœur sella son cheval, accrocha plusieurs couteaux et plusieurs sabres sur différentes parties du cheval et s’élança. Elle arriva au pied du baobab et elle lui dit : ­Hagh Zein, descend de l’arbre et monte en croupe derrière moi. ­J’ai peur que mon cheval Bent Chaaba me mange, lui dit­il. Elle lui dit : ­ Hagh Zein, vient me retirer cette épine du doigt Alors il dit au baobab. : ­ Baobab de mon père et de ma mère descend. Et le baobab se mit à descendre. La tête de l’enfant atteignit le niveau de celle de sa sœur, il tendit alors la main pour lui retirer l’épine. Mais sa sœur l’attrapa, le tira et le fit asseoir en croupe derrière elle, puis elle lança sa monture à vive allure. Le cheval­ogre se lança à leur poursuite. Mais, à chaque fois qu’il s’approchait d’eux, un couteau ou un sabre l’atteignait quelque part, puis un second, puis un troisième et ainsi de suite jusqu’a ce que cent sabres et couteaux percent son corps de part en part et le tuent, découpé en cent morceaux.

 

 

 

[1] Source : Mbalagui.

[2] Source : idem.

[3] Source : Cham (Brakna).

[4] Source : Nouakchott.

[5] Source : Tidjigja (Tagant).

[6] Source : Nouakchott.

[7] Source : Nouakchott.

[8] Source : Atar (Adrar).

[9] Source : Nouakchott.

[10] Source : Lehraj (Assaba).

[11] Jeu de société avec des petites boules en cristal ou de noyaux de mirobolant, pratiqué par deux ou plusieurs joueurs, qui consiste à redistribuer entre les joueurs les boules. Le gagnant est celui qui en aura à la fin le plus grand nombre.

[12] Source : Rosso (Trarza).

[13] Source : Atar (Adrar).

[14] Source : Région du fleuve.

[15] Source : Région du fleuve.

[16] Source : Région du Fleuve.

[17] Source : Région du Fleuve.

[18] Source : Région du Fleuve.

[19] Source : Région du Fleuve.

[20] Source : Région du Fleuve.

[21] Source : Régions du Fleuve.

[22] Source : Nouakchott.

[23] Source : Ilb Adress (Trarza).

[24] Source. Ilb Adress (Trarza).

[25] Source : Ilb Adress (Trarza).